La sclérose en plaques : une maladie chronique aux multiples visages en EHPAD

La SEP se caractérise par l’atteinte de la gaine de myéline des neurones du système nerveux central. Son expression clinique chez les résidents d’EHPAD peut aller d’une autonomie relative à une dépendance complète : spasticité, troubles moteurs, fatigues intenses, douleurs chroniques, troubles cognitifs voire dépression. Les trajectoires individuelles sont extrêmement variées.

Selon les dernières recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS), plus de 65% des personnes atteintes de SEP vivant en institution présentent une situation de handicap moteur sévère et 40% font face à des troubles cognitifs associés (HAS, 2020).

Les principaux soins prodigués en EHPAD

Une évaluation globale et personnalisée dès l’admission

  • Bilan neurocognitif et fonctionnel : tests répétés pour adapter le projet de soins.
  • Identification des symptômes invisibles : fatigue, douleurs neuropathiques, anxiété, isolement social.

L’équipe pluridisciplinaire élabore un plan de soins individualisé, actualisé au moins tous les 6 mois.

Gestion des troubles moteurs et rééducation

  • Kiné quotidienne : entretiens articulaires, mobilisation pour prévenir les raideurs ou escarres (une étude menée en EHPAD rapporte que 70% des résidents SEP bénéficient de séances de kinésithérapie adaptées, source :ScienceDirect, 2012).
  • Éducation des aidants professionnels : gestes spécifiques pour les transferts, positionnements, appareillages (fauteuils roulants modulaires, matelas anti-escarres…).

Prise en charge de la douleur et des symptômes associés

  • Analgesie multimodale : usage de traitements médicamenteux (antalgiques classiques ou neuropathiques – gabapentine, prégabaline), parfois couplée à des techniques non pharmacologiques (relaxation, ateliers de méditation adaptée).
  • Gestion neuro-urologique : sondages, prévention des infections urinaires, programmes d’électrostimulation périnéale si possible (SFSEP).
  • Accompagnement des troubles digestifs : constipation fréquente nécessitant adaptation diététique, laxatifs, surveillance hydrique.

Suivi médical spécialisé et coordination externe

  • Interventions régulières du médecin coordonnateur, en lien avec le neurologue référent hors établissement, via téléexpertise ou déplacements programmés.
  • Collaboration avec les réseaux de sclérose en plaques (centres ressources, SSIAD spécialisés, ergothérapeutes extérieurs).

Accompagnement psychologique et social

  • Entretiens psychologiques : le taux de dépression chez les résidents SEP en institution peut atteindre jusqu'à 50% d’après l’Observatoire français de la SEP (OFSEP).
  • Groupes de parole, interventions d’un psychologue, soutien à l’expression des besoins via des outils de communication alternative si troubles du langage.
  • Liaison avec les familles : dispositifs pour intégrer ou soutenir la participation familiale dans les soins quotidiens ou les projets d’animation.

Focus sur les interventions spécifiques en EHPAD

Prévention des complications aiguës

  • Escarres : recommandation de changements de position toutes les 2h chez les patients alités, utilisation de lits et matelas spécialisés (HAS).
  • Infections respiratoires ou urinaires : surveillance accrue, protocole d’alerte rapide, antibioprophylaxie sous contrôle médical.
  • Suivi nutritionnel rapproché : 30% des patients SEP en institution présentent un risque de dénutrition, nécessitant enrichissement alimentaire, compléments ou alimentation entérale (SFSEP).

Technologies et aides techniques au service de l’autonomie

Les innovations technologiques prennent une place croissante en EHPAD :

  • Fauteuils motorisés adaptés : commandes simplifiées, antidérapantes, systèmes d’aide à l’inclinaison.
  • Domotique : volets, portes et alarmes pilotés à distance si capacités résiduelles suffisantes.
  • Outils de communication augmentée : applications sur tablettes, dispositifs de synthèse vocale.

Toutes ces solutions sont sélectionnées sur prescription d’un ergothérapeute, la plupart du temps en lien avec la MDPH, pour adapter au mieux l’équipement aux capacités évolutives du résident.

Professionnels mobilisés : organisation, formation, enjeux d’équipe

Le succès de la prise en charge en EHPAD dépend de la qualité de la coordination entre professionnels, parmi lesquels :

  • Aides-soignants formés aux particularités de la SEP (20% d’EHPAD seulement proposent des modules de formation continue dédiés, selon la FEHAP).
  • Infirmiers référents pour les protocoles complexes, adaptation des traitements, soins techniques (sondages, perfusions…).
  • Kinésithérapeutes salariés ou libéraux, ergothérapeutes, psychologues.
  • Possibilité d’intervention ponctuelle de l’orthophoniste, du diététicien, voire du psychiatre.

La communication interdisciplinaire, les synthèses régulières et les outils de transmission (dossier informatisé, réunions de coordination) sont essentiels pour prévenir la rupture de parcours, l’oubli ou la redondance de soins.

La vie sociale et l’inclusion : une vigilance particulière

L’isolement psychosocial des personnes atteintes de SEP en EHPAD est un enjeu sous-estimé. Plusieurs études (voir Ligue Française contre la Sclérose en Plaques) ont montré que près de 40% des résidents SEP ne participent qu’à une activité sur quatre proposées en moyenne. Au-delà des soins médicaux, l’EHPAD doit donc poursuivre l’adaptation des activités :

  • Animation à domicile ou en chambre (ateliers sensoriels, musicothérapie individuelle).
  • Sorties encadrées avec accès facilité.
  • Valorisation du lien avec les autres résidents, malgré le handicap.
  • Accessibilité numérique (ordinateurs en accès libre, ateliers en visioconférence).

Ces dispositifs limitent la perte d’identité, l’ennui mais aussi l’aggravation de troubles psychiatriques ou cognitifs.

Perspectives : enjeux et défis pour demain

  • Évolution du profil des résidents : avec le vieillissement de la population SEP, les EHPAD accueillent des résidents plus jeunes comparés à leur public moyen, porteurs de handicaps complexes, ce qui implique d’adapter continuellement les protocoles.
  • Renforcement de la formation : la généralisation de modules de formation SEP, l’implication des familles dans les protocoles de soin et la lutte contre la stigmatisation restent des axes prioritaires.
  • Innovation technologique : la télémédecine, la robotique d’assistance ou les applications de suivi pourraient, à terme, bouleverser l’accompagnement au quotidien.

L’avenir de la prise en charge de la SEP en EHPAD se niche dans la capacité à conjuguer exigences médicales, personnalisation des parcours de soins, et respect de la dignité et du projet de vie de chaque résident. Les progrès accomplis au cours de la dernière décennie invitent à une vigilance constante, plaçant le résident SEP au cœur de la réflexion collective des établissements.

Pour aller plus loin