SEP : une maladie aux multiples visages

La sclérose en plaques, ou SEP, signifie bien plus qu’un acronyme médical. En France, près de 120 000 personnes sont concernées (Association Française des Sclérosés en Plaques). La maladie touche principalement de jeunes adultes, avec une prédominance féminine : environ trois femmes pour un homme sont diagnostiquées. L’âge moyen du premier symptôme se situe autour de 30 ans, même si les cas pédiatriques et tardifs existent.

La SEP n’est pas contagieuse. Elle n'est pas non plus héréditaire au sens strict, mais le terrain familial semble augmenter légèrement le risque (enfants, frères ou sœurs d’une personne atteinte). C’est une maladie chronique, évolutive, relevant du système immunitaire. Autrement dit, c’est le propre corps qui provoque l’inflammation et les lésions dans le système nerveux central (cerveau, moelle épinière, nerfs optiques). Voilà pourquoi, même si on lit souvent « maladie rare », la SEP est en réalité la première cause de handicap neurologique non traumatique du jeune adulte en Europe.

Sclérose en plaques : comprendre le mécanisme

« Mais pourquoi mon corps se retourne-t-il contre lui-même ? » C’est la question que se posent beaucoup de personnes au moment du diagnostic. Notre neurologue, Claire, l’entend régulièrement.

La SEP est classée parmi les maladies auto-immunes. Normalement, notre système immunitaire nous protège contre les infections. Mais ici, il se dérègle et attaque la myéline, cette gaine protectrice qui entoure les fibres nerveuses : un peu comme si le plastique d’un fil électrique fondait, exposant le métal qu’il protège.

  • Inflammation : L’attaque crée des zones d’inflammation sur la myéline.
  • Démyélinisation : L’inflammation retire la myéline, laissant le nerf plus exposé.
  • Lésions : Ces « plaques » (visibles à l’IRM) ralentissent, ou interrompent, la propagation du signal nerveux.

Ce sont ces « plaques » qui ont donné leur nom à la maladie. Selon leur emplacement, les symptômes varient énormément d’un patient à l’autre.

Pourquoi ce dérèglement ? Il n’y a pas de cause unique. On parle le plus souvent d’un « terrain » génétique associé à des facteurs environnementaux. L’exposition insuffisante au soleil (et donc un manque de vitamine D), des infections virales (comme le virus d’Epstein-Barr), le tabac et le surpoids à l’adolescence sont pointés du doigt par diverses études (The Lancet Neurology, 2019).

Les symptômes de la SEP : du visible à l’invisible

Ici, le mot « handicap » prend plusieurs sens. Les symptômes de la sclérose en plaques sont inconstants, imprévisibles et souvent « invisibles » pour l’entourage. C’est l’un des aspects les plus complexes à vivre : pouvoir marcher plusieurs kilomètres un matin, et ne pas réussir à lever le pied le lendemain.

  • Fatigue intense : Une fatigue qui n’a rien à voir avec le simple fait d’être fatigué, parfois écrasante, persistante, qui échappe au repos.
  • Troubles de la vision : Vision double, baisse de l’acuité visuelle, douleurs à l’œil (névrite optique).
  • Troubles moteurs : Faiblesse d’un membre, sensation de raideur, difficulté à marcher.
  • Troubles sensitifs : Fourmillements, engourdissements, décharges électriques, zones de chaud ou de froid mal interprétées par le corps.
  • Troubles de l’équilibre et de la coordination : Sensation d’ivresse, maladresse, vertiges.
  • Troubles du contrôle vésical ou intestinal : Fréquence ou urgence à uriner, constipation.
  • Atteintes cognitives et émotionnelles : Problèmes de mémoire, de concentration, modification de l’humeur (dépression, anxiété).

La liste est longue, mais chaque personne avec une SEP vit une combinaison unique de symptômes. Le ressenti personnel, l’environnement et le parcours de soins modulent aussi leur intensité.

SEP, crises et poussées : comment ça se manifeste ?

La SEP évolue par poussées dans 85% des cas au début : des épisodes durant lesquels les symptômes apparaissent ou s’aggravent, puis régressent partiellement ou totalement. On parle alors de forme rémittente.

Chez certains, la maladie évoluera vers une forme progressive, avec un handicap qui s’installe lentement, poussées ou non. Cette distinction est essentielle pour adapter le suivi et les traitements.

Forme de SEP Caractéristiques principales Fréquence
Rémittente Alternance de poussées et de rémissions ≈ 85 % des cas au début
Secondaire progressive Aggravation progressive, parfois après des années de forme rémittente ≈ 50 % après 10-15 ans d’évolution
Primaire progressive Handicap qui s’aggrave progressivement sans poussées nettes 10 à 15 % des cas dès le début

Diagnostic : le rôle clé de l’IRM et de l’équipe soignante

L’annonce de la SEP reste un choc. « On ressort du cabinet avec le cerveau en vrac », confie souvent Julien, notre patient expert. Comprendre ce que signifie un diagnostic précoce est crucial :

  • IRM cérébrale et médullaire : Elle détecte les lésions typiques de la SEP, visibles comme des « taches blanches » sur les images.
  • L’analyse du liquide céphalo-rachidien : Peut retrouver des signes d’inflammation.
  • Bilan clinique : Examen neurologique précis, description des symptômes et de leur évolution.

Le diagnostic n’est jamais posé sur un seul examen. Il s’appuie sur un faisceau d’arguments, pour ne rien laisser au hasard. La précocité du diagnostic influence la prise en charge : une prise en charge rapide permet d’initier tôt la prévention du handicap.

Traitements et accompagnements : un parcours en mouvement

Aujourd’hui, la SEP ne se guérit pas complètement. Mais la science progresse : plus d’une vingtaine de traitements existent pour réduire la fréquence des poussées, limiter le handicap et améliorer la qualité de vie (Haute Autorité de Santé).

  • Corticothérapie : Médicaments utilisés pour arrêter les poussées en phase aiguë.
  • Traitements de fond : Immunomodulateurs, immunosuppresseurs, proposés selon la forme de la maladie et la balance bénéfices-risques.
  • Traitements symptomatiques : Pour la spasticité, les douleurs, la fatigue, etc.
  • Rééducation et accompagnement paramédical : Kinésithérapie, orthophonie, ergothérapie. « Un bras, une voix, un guide pour chaque étape », précise Sophie, infirmière spécialisée.

Le parcours de soins s’adapte à chaque personne. L’enjeu devient de trouver son propre équilibre entre traitements, suivi médical, hygiène de vie et soutien psychologique.

Équilibre de vie et SEP : ce qui aide vraiment

La connaissance scientifique ne suffit pas ; les conseils concrets sont primordiaux :

  • Adapter son activité physique : L’exercice modéré, encadré, aide à entretenir la mobilité, lutte contre la fatigue, améliore le moral. De petites routines valent mieux que de gros efforts ponctuels. (Sources : PMID: 32504418)
  • Savoir écouter son corps : Accueillir la fatigue, s’autoriser à moduler sa journée, apprendre à dire non.
  • Aide psychologique et associative : Les groupes de parole, le recours à un psychologue, ou l’appui de l’AFSEP (Association Française des Sclérosés en Plaques) peuvent transformer le parcours.
  • Alimentation équilibrée, arrêt du tabac : Des mesures simples, à l’efficacité parfois sous-estimée.

Vivre avec la SEP : entre défis quotidiens et nouveaux possibles

La SEP bouleverse les trajectoires. Mais elle n'empêche ni projets, ni joies, ni rôle social. « On n’est pas une maladie, on est soi », rappelle Julien. Plusieurs études montrent que la majorité des personnes concernées gardent une vie professionnelle active, parfois en aménageant les horaires, ou en optant pour le télétravail ou la reconversion.

La SEP, c’est aussi une succession de petits combats invisibles et de grandes victoires : réapprendre à marcher plusieurs fois, oser parler de ses symptômes à son entourage, découvrir de nouveaux appuis.

Soutenir l’entourage, c’est aussi soutenir la santé

La famille, les amis, et même les collègues jouent un rôle majeur. « Se sentir écouté, compris, sans jugement ni pitié, c’est aussi important qu’un traitement », souligne Sophie. Être entouré signifie moins d'isolement, plus d’informations partagées, moins de risques de renoncement au soin.

Les proches peuvent s’informer via des ressources dédiées, comme le guide de l’ARSEP. L’écoute, c’est le premier soin.

Des perspectives porteuses d’espoir

Aujourd’hui, la recherche avance vite : essais cliniques, nouveaux médicaments, progrès de l’IRM, biomarqueurs, place grandissante des patients dans la réflexion sur les soins. « Chaque découverte nous rapproche d’une maladie mieux maîtrisée, et demain, peut-être des premiers traitements réparateurs de la myéline », explique Claire.

Notre ambition, sur EduSEP, est d’accompagner chacun là où il en est : comprendre ce qui se passe dans son corps, identifier les ressources qui font la différence, rencontrer d’autres personnes concernées, trouver de quoi avancer jour après jour… La SEP est complexe, mais l’humain reste plus fort que la maladie.

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