Plongée au cœur de la sclérose en plaques : une maladie qui interroge

La sclérose en plaques (SEP) n’est pas qu’un diagnostic : c’est une rencontre marquante entre une personne et une maladie qui bouscule le quotidien. Comprendre ce qu’est vraiment la SEP et comment elle agit dans le corps est un point de départ essentiel pour mieux vivre avec elle, rester acteur de sa santé et se projeter dans l’avenir, malgré l’incertitude qu’elle impose.

La SEP concerne aujourd’hui plus de 2,8 millions de personnes dans le monde, dont près de 120 000 en France, selon l’Inserm (1). Cette maladie ne choisit pas, mais elle touche majoritairement de jeunes adultes – en général, le diagnostic survient entre 25 et 35 ans, avec une prédilection pour les femmes (2 à 3 fois plus que les hommes).

Face à cette réalité, nous avons voulu rendre visibles les mécanismes à l’œuvre, avec des mots simples et justes, soutenus par l’expérience et la pratique médicale, pour que l’information devienne un levier de confiance.

Définir la sclérose en plaques : une maladie auto-immune du système nerveux central

La SEP est une maladie auto-immune chronique, qui touche le système nerveux central : le cerveau, la moelle épinière, et parfois les nerfs optiques. De manière imagée, le système immunitaire, censé défendre l’organisme, « s’embrouille » et commence à s’attaquer à ses propres cellules.

Mais qui est visé dans la SEP ? Ce sont les gaines de myéline, une sorte d’« isolant » des fibres nerveuses. La myéline permet la transmission rapide et fluide des messages nerveux. Quand cette enveloppe protectrice est abîmée, les signaux entre le cerveau et le reste du corps sont ralentis ou interrompus, entraînant des symptômes variés.

Résumé schématique du processus

  • Le système immunitaire confond la myéline avec un ennemi et lance une attaque.
  • Des zones d’inflammation se forment le long des fibres nerveuses.
  • La myéline est partiellement ou totalement détruite à ces endroits – c’est ce qu’on appelle une plaque.
  • Quand la cicatrisation survient, elle laisse parfois une cicatrice (sclérose) qui altère définitivement la conduction des messages nerveux.

Comprendre les mécanismes immunologiques : ce qui se passe dans le cerveau et la moelle épinière

La SEP ne se limite pas à « des plaques » visibles à l’IRM. Elle résulte d’un enchaînement complexe de processus immunologiques :

  • Activation anormale du système immunitaire : Pour une raison encore inconnue, certaines cellules immunitaires – notamment les lymphocytes T – traversent la barrière hémato-encéphalique (un mur protecteur de notre cerveau) et attaquent la myéline.
  • Inflammation : Cela crée des zones d’inflammation qui endommagent la myéline et parfois l’axone (la fibre nerveuse elle-même).
  • Démyélinisation : À l’endroit de l’attaque, la gaine de myéline disparaît, ralentissant ou bloquant la transmission des messages nerveux nécessaires à chaque geste du quotidien.
  • Sclérose ou cicatrisation : Le corps tente de réparer les dégâts. Il remplace la myéline par une sorte de « patch» cicatriciel – c’est la sclérose – qui ne remplit pas les mêmes fonctions.
Mécanisme Conséquence
Inflammation aiguë Syndromes cliniques (poussées), symptômes soudains
Cicatrisation (sclérose) Séquelles potentielles, ralentissement des infos nerveuses
Perte axonale progressive Accentuée par la chronicité, peut mener à un handicap

Comment la SEP se manifeste-t-elle dans la vie réelle ?

Les symptômes dépendent de l’endroit exact où la myéline est attaquée. Ils peuvent évoluer, réapparaître ou disparaître, ce qui rend la vie avec la SEP très imprévisible. Voici quelques effets fréquents :

  • Troubles moteurs (faiblesse, maladresse d’un membre)
  • Troubles sensitifs (fourmillements, engourdissements)
  • Troubles visuels (baisse de vision, vision double, douleurs lors des mouvements des yeux)
  • Troubles de la coordination et de l’équilibre
  • Fatigue intense et inhabituelle
  • Troubles urinaires ou digestifs
  • Parfois troubles cognitifs (mémoire, concentration)

Chaque personne vit une SEP différente. Aucun cas ne se ressemble. Parfois, plusieurs années séparent les premiers symptômes du diagnostic (en moyenne 2 à 3 ans selon la Haute Autorité de Santé). Ce délai est source d’angoisse, mais il ne doit pas décourager : malgré ses défis, la SEP n’interdit pas d’avoir des projets.

Pourquoi la SEP apparaît-elle ? Le poids de la génétique et de l’environnement

Les causes exactes restent non élucidées, mais la recherche a mis en lumière plusieurs facteurs qui favorisent l’apparition de la maladie :

  • Prédisposition génétique : Le risque est légèrement plus élevé si un parent proche est atteint, mais il reste faible (autour de 2 à 3%, Source : ARSEP). Il existe plus de 200 variantes génétiques associées à une susceptibilité accrue, mais leur impact reste limité prise isolément.
  • Facteurs environnementaux : Le manque de vitamine D, certaines infections virales (comme le virus d’Epstein-Barr), le tabac, ou encore une exposition à des climats nordiques augmentent le risque (source : Fondation ARSEP, National Multiple Sclerosis Society).
  • Déséquilibres hormonaux et immunitaires pourraient également expliquer la prédominance féminine et l’apparition de la maladie à l’âge adulte.

Les différentes formes de la maladie : la SEP n’est pas une, mais plurielle

Près de 85% des personnes diagnostiquées commencent par une forme rémittente : la maladie évolue par poussées (symptômes soudains), suivies de périodes de rémission où tout ou partie des symptômes s’atténuent. Environ 15% développent d’emblée une forme progressive (onde lente, insidieuse), parfois sans véritables poussées.

Avec le temps, certaines formes rémittentes évoluent vers une forme secondairement progressive, marquée par une aggravation progressive du handicap, même en dehors des poussées (Source : INSERM). Aujourd’hui, grâce à des traitements toujours plus nombreux et précoces, il est possible de retarder, voire d’éviter cette évolution, ce qui change radicalement le vécu de la maladie par rapport à il y a 20 ans.

SEP et quotidien : l’importance de l’information et du dialogue

Comprendre ce qui se joue dans la SEP, c’est aussi apprendre à reconnaître ses propres signaux. C’est être capable d’expliquer à ses proches la « bataille invisible » qui se déroule dans le corps, même si la maladie ne se voit pas toujours à l’extérieur.

Julien partage souvent : « On m’a dit que c’était une maladie “invisible”, mais ce qu’elle déclenche, je le ressens dans chaque geste. La SEP, c’est comme une énigme dont on découvre chaque pièce, étape après étape. Savoir ce qu’il se passe me rend moins impuissant et plus serein pour le futur. »

Pour les professionnels de santé, accompagner les patients, c’est aussi prendre le temps de leur expliquer les enjeux de la maladie et de la prise en charge, en évitant les raccourcis. Les mots comptent, l’écoute aussi.

La SEP aujourd’hui : espoir, recherche et progrès

La compréhension des mécanismes de la SEP n’a jamais autant progressé que ces dix dernières années. Les traitements évoluent rapidement, l’imagerie médicale est de plus en plus précise, et les pistes de recherche sur la réparation de la myéline ouvrent des horizons nouveaux.

Malgré ses défis, la SEP n’est pas un chemin figé. Avec un suivi régulier, une information fiable et des choix adaptés à chacun, il est possible de préserver une qualité de vie, de maintenir ses activités et de regarder l’avenir autrement.

Nous croyons que décrypter la SEP, c’est déjà lui enlever une part de mystère et retrouver une forme d’autonomie face à l’incertitude.

Pour aller plus loin :

  • ARSEP (fondation-arsep.org)
  • INSERM (inserm.fr)
  • National MS Society (nationalmssociety.org)

Pour aller plus loin